Vanille ou ?
Le 03/05/2019
Nous, Français.e.s, avons pour habitude de penser que nous avons un certain art du libertinage, que nous sommes expert.e.s en la bagatelle et que nos voisins anglo-saxons sont bien prudes. C’est peut-être ce qu’indique la pudibonderie des réseaux sociaux, mais ce n’est pas ce que souligne notre vocabulaire sexuel.
Chez nous, il y a le sexe dit "normal" (le reste devenant de fait anormal ?), alors que chez les Anglo-Saxons, on parle de sexe vanille, sous-entendant qu’il est un peu fade : il n’a ni l’acidité du citron, ni l’amertume du chocolat noir, ni la volupté de la mangue, etc.
On a bien traduit l’expression - de façon littérale - mais, en dehors d’une page Wikipedia, peu de gens en font usage.
Il y a quelques années, j’avais été frappée par un livre publié aux Editions Taschen : America Swings, de Naomi Harris. Cette photographe canadienne installée à New-York est allée - nue - à la rencontre d’Américains moyens dans les 50 états de ce pays, puisque les lois sexuelles changent d’un état à l’autre.
La vie sexuelle des américains ordinaires, sous son objectif, est loin du parfum vanille : ils sont échangistes, se regroupent par couples, y compris dans des camps nudistes spécialisés, prenant parfois un fauteuil en nylon pour mieux se pencher sur les prouesses des voisins.
En 48 mois, elle a vu des petits bourgeois polyamoureux, des retraités bisexuels, des "Mandingos",(Afro-Américains aimant aider les femmes mariées blanches à accomplir leurs fantasmes), des obèses adeptes de SM ou de rapports à trois, des femmes en groupe avec des godes-ceintures, des annonces dans des campings pour des partenaires mâles amateurs de gang bang... Bref, des paysages qui me paraissent peu fréquents ici, et une liberté des corps en pleine nature qui ne se trouve chez nous que dans nos sages camps de nudistes, me semble-t-il.
La France a longtemps eu une littérature clandestine qui montrait avec délices toutes les sexualités qui sortent du cadre morne de la vanille. Le XVIIIe siècle à laissé les idées bourgeoises dominer les autres. La folie des aristo et la liberté des gens de la campagne ont fondu comme un sorbet au soleil de l’été. Aujourd’hui, les livres contemporains qui parlent de cul et qui ont du succès ont pour point commun de décrire une chair décevante, triste ou non désirée. Ceux pétillent ne séduisent plus grand monde.
On pourrait pourtant se tourner vers une autre voie, qui réconcilierait la douceur des rapports simples et des émotions qu’ils peuvent procurer, avec des sensations nouvelles, plus fortes, procurant a minima la satisfaction de l’audace qu’il y a à sortir de ses zones de confort.
J’ai peu souvent vu des gens se contenter de manger une glace vanille et rien d’autre.
Strawberry, anyone ?
© photo : Ren Hang
© photo : Naomi Harris, extraite de "America Swings".