Pourquoi vous ne trouverez pas de canards sur Second Sexe !
Le 19/04/2009
La croissance constante de sites Internet et magasins pour femmes dédiés à la vente de vibromasseurs est enthousiasmante, et cependant, un bref aperçu de l’histoire de cet objet s’impose, pour comprendre à quel point cette apparente avancée n’est tout au plus qu’un soubresaut de l’histoire.
L’olisbos, objet phallique, est antérieur à l’antiquité (aujourd’hui nommé godemiché ou dildo chez les anglo-saxons). Même s’il existait et que son utilisation était avérée, il a fallu attendre le XVIème siècle pour qu’un certain Mateo Renaldo Columbus, professeur à l’université de Padoue, scientifique de son état, reconnaisse l’existence de l’orgasme féminin (c’est également lui qui décrit un organe, dont ne reparlera que beaucoup plus tard, qu’il nomme clitoris, du grec « kleitoris » qui signifie monticule). Au XVIIème siècle, apparaissent en Occident les premiers marchands de godemichés, qui pouvaient également en confectionner sur mesure. Nos grands auteurs n’ont pas manqué de décrire moult scènes saphiques, où l’efficacité de ces appareils ne laissent aucun doute (voir par exemple Mirabeau).
C’est à partir du XIXème siècle que les choses deviennent incongrues, puisque les médecins soignent l’hystérie par le massage manuel du clitoris. Cette forme de jouissance n’étant alors pas reconnue, nul ne s’en offusque et surtout pas la morale bien pensante. C’est le temps trop long du massage (une heure en moyenne) qui engendre la création du vibromasseur en 1869. Il est d’abord à vapeur, puis mécanisé et enfin électromécanique ou à essence, mais toujours trop complexe pour s’affranchir du médecin. Il faut donc attendre le début du XXème siècle pour que l’usage privé s’instaure. Les publicités américaines le recommandent aux maris pour l’harmonie du foyer, et il devient l’un des objets domestiques les plus courants. Mais vers 1920, la réalité du plaisir féminin ne faisant plus de doute, l’objet est banni des foyers et disparaît de la vente. En ce début de XXIeme siècle, nous pensions nous libérer en parlant librement des sex-toys, mais en réalité cela ressemble fort à un retour en arrière…
Comment, dans ces conditions, peut-on alors s’accommoder d’objets comme les vibromasseurs en forme de canards en plastique ? Cette représentation infantile est-elle une façon de ne pas assumer sa fonction ? Est-ce qu’un jouet d’enfant peut être une transgression satisfaisante ? Peut-il créer un désir suffisant en sachant que le désir est le moteur de la jouissance ? Par ailleurs, à l’idée tout à fait juste que l’objet doit pouvoir exister dans un contexte familial où il ne saurait être question d’expliquer de trop près à des enfants en bas âge l’usage de ses appareils, nous défendons l’idée que justement l’objet ne saurait être régressif. Si la sexualité n’est pas un jeu d’enfant, alors ce n’est pas par les jouets d’enfants qu’elle peut s’exprimer. Un objet qui se cache (interdit) est également un objet de désir (fantasme). Nous avons donc cherché des objets qui répondent à ce double critère : un objet qui se cache mais reste ambigü s’il est découvert par certains (un objet épuré, qui ne soit pas dans la représentation basique du phallus. Nous ne pensons pas que le vibromasseur puisse être un substitut du sexe masculin et ne le souhaitons pas non plus), un objet qui se cache et qui reste donc excitant s’il est découvert par ceux qui s’en servent (la représentation du phallus devient objet de design).
En résumé, nous pensons que si l’objet à été assumé durant des siècles par un si grand nombre de civilisations, il n’y a pas de raison de ne pas continuer à assumer. Nous avons donc décidé de prendre un parti pris très déterminé dans notre sélection d’objets. Nos produits répondent à, au moins, un de ces trois critères :
un objet qui s’assume en tant que tel
une efficacité redoutable
une alliance de l’esthétisme et de l’efficacité
Sophie Bramly
[1]
Commentaires (4)
Cela fait plaisir de lire une réaction de cet ordre, je suis très étonnée de lire enfin un tel avis ! Je suis moi même assez déconcertée par l’engouement pour les sex toys très proches des jouets des enfants.
Mais je serais cependant, peut être moins tranchante quand à mon positionnement... J’ai discuté avec des jeunes femmes, qui -je pense- n’étaient vraisemblablement pas prête à utiliser quelque chose de plus phallique même si c’est très épuré, pour tous un tas de raisons qu’elles soient valables ou pas. Je pense que l’essentiel est de garder à l’esprit une palette large et adaptée aux gouts de chacun(e)s.
au plaisir de lire des "avis" qui divergent ... merci !
Je viens de lire un des article qui évoque Léda... Difficile de savoir ce que vont devenir ces vilains petits canards...
"Cette représentation infantile est-elle une façon de ne pas assumer sa fonction ?"
La question est bonne, les suivantes aussi, l’important était de les poser.
Je ne condamnerais pas ces volatiles pour autant... à mon sens tant qu’il y a du plaisir...
Est-ce qu’un canard tout en chaînes et casquette de cuir tirées de l’iconographie S/M est encore un objet qui cache sa nature ? Et même dans sa version basique, le canard vibrant est maintenant suffisamment célèbre pour que sa découverte fortuite par un proche laisse peu de doute sur son utilisation…
Trés longtemps avant les canards en plastique,
il y a eu en Chine des canards en céramique.
La tête et le cou profilés de ces canards
s’adaptaient trés bien à la morphologie
intime des femmes de la haute société
Chinoise. Ces pièces de céramique chinoise
richement décorées étaient creuses et munies
d’un bouchon pour y introduire de l’eau tiède,
proche de la tempèrature corporelle. Des
objets du même genre avec l’aspect d’une
tête de cygne ( le mythe de Leda ) auraient
également existé dans la Grèce antique.