Interview de Zoé Cassavetes

Le 09/03/2009

Zoé Cassavetes est l’une des réalisatrices de la seconde saison du projet X Femmes. Elle apporte une dimension internationale au projet et un regard anglo-saxon sur la sexualité féminine. Fille de Gena Rowlands et John Cassavetes, monstres sacrés du cinéma d’auteur américain, Zoé poursuit son chemin en mettant ses talents de réalisatrice au service de différentes expériences sans cesse renouvelées. Après quelques rôles en tant qu’actrice, elle s’attelle à la réalisation de clips puis passe à la fiction en 2000 avec Men Make Women Crazy Theory puis en 2007 avec Broken English, son premier long métrage. Dans les coulisses du tournage de son X-plicit film intitulé Samedi Soir, Zoé Cassavetes nous a expliqué l’importance qu’elle porte à ce projet.

Pourquoi avez-vous accepté de réaliser cet X-plicit film ?

C’est drôle, parce qu’instinctivement, il ne me serait pas venu à l’idée de réaliser un film comme ça. Mais quand je vous ai rencontrées, vous m’avez mise à l’aise et m’avez rassurée quant à ma liberté créative. Ca m’a aussi permis de réfléchir à la sexualité et à sa représentation sous un tout nouvel angle. Les hommes contrôlent les images de sexe depuis toujours, alors ce qui était aussi intéressant, c’est que ce projet soit réalisé par des femmes. Parce que selon moi, les idées des femmes sur la sexualité ne sont pas les mêmes que celles des hommes. Il y a quelque chose de beaucoup plus cérébral. Enfin à mon avis.

Êtes-vous une consommatrice de films pornos ?

Je n’ai jamais regardé un porno en entier et je n’ai jamais cherché à en voir un. Mais je pense qu’il m’est arrivé quelques fois d’en voir partiellement, et j’en ai regardé quelques bouts pour les recherches de mon film.

Quel était votre regard sur la pornographie avant ce film ?

Je pense qu’aujourd’hui, la pornographie est assez violente : la façon dont les corps se pilonnent, les gémissements de plaisir fabriqués que les femmes sont obligées de faire, le manque de sensualité et de plaisir… Je ne retire personnellement aucun plaisir de tout ça. Mais c’était très intéressant de voir les différents types de films pornos qui existent (on a tourné dans un sex shop). Les gens sont dans tellement de fantasmes dingues et différents. Je ne juge pas, mais certains de ces films sont très… créatifs ! Est-ce que vous avez changé d’état d’esprit à propos du sexe à l’écran après avoir tourné "Samedi Soir" ? Je ne pense pas avoir jamais eu d’avis sur la question du sexe à l’écran. Le sexe est une grande part de la vie et le sujet ne doit être ni évité, ni condamné. Mais je préfère quand il y a une raison et que ce n’est pas juste pour montrer des filles nues ou un jeu de pouvoir ou quelque chose comme ça. Je suppose que la pornographie habituelle remplit sa fonction pour certains, mais ce n’est pas ce qui m’excite. Mais je suis très contente d’avoir surpassé des peurs que j’avais en ce qui concerne le tournage de scènes de sexe.

Justement, comment vous êtes vous sentie en dirigeant les acteurs durant ces scènes de sexe ? Est-ce que c’était facile ?

J’aime me lancer des défis, et pour le coup, réaliser un film sur le sexe en était un. Je ne sais pas pourquoi cela m’intimidait autant. Je pense qu’en tant qu’américaine, notre vision globale du sexe est très cachée. Il y a quelques questionnements : est-ce que le sexe est bon ou mauvais ? Sommes-nous trop moraux à ce sujet et pourquoi ? C’est drôle parce que le marché du sexe est énorme aux Etats-Unis. Je connais beaucoup de gens qui regardent des pornos, qui ont des sex toys, des panoplies et des fantasmes. Mais ça semble presque plus acceptable de faire un film dans lequel les personnages se font couper la tête ou des émissions de télé dans lesquels un candidat peut tuer plusieurs personnes sans aucun remords ni condamnation. Mais quand le sexe entre en jeu, les gens deviennent très tendus. Mais pendant le tournage, j’ai eu des acteurs incroyables qui n’avaient aucun problème à se déshabiller et à simuler le sexe d’une très belle façon, alors comment aurais-je pu être timide ?

Que retiendrez-vous du tournage ?

J’ai adoré le tournage. J’avais une équipe technique et un casting d’acteurs formidables. C’était un tournage très court, donc il n’y avait pas beaucoup de temps pour réfléchir, il fallait surtout agir. Trouver des plans pour les scènes de sexe, être sûre que le film ait assez d’envergure et que ça ait un sens. Je suis désolée, je suis assez ennuyeuse sur le sujet mais c’est un tel boulot ! Je suis très sérieuse sur le plateau. Une de mes missions est de rester dans une bonne énergie et sur un projet comme celui-ci, c’est comme filmer quelque chose d’autre, vous devez le prendre très sérieusement.

[gris]Propos recueillis par Constance de Médina[/gris]