Le sexe devant la loi
Le 20/04/2009
Avons-nous tous les droits quant il s’agit de sexe ? Quel est le champ d’action de la loi en ce qui concerne nos ébats ? Le droit est-il l’allié de la morale ? Plutôt qu’être prise au dépourvu, voici quelques réponses aux questions les plus courantes et qui peuvent toutes nous concerner. Mieux vaut être prévenue de ses droits que se faire verbaliser pour quelques pulsions mal réfrénées. Mais après tout, c’est peut-être justement cette soif d’interdit et de transgression qui nous donne ce petit frisson supplémentaire… Alors si vous voulez prendre des risques, ce sera en connaissance de cause !
Entre personnes majeures et consentantes, la loi permet-elle de tout faire ?
Oui. Le principe est la liberté. Mais cette liberté est très surveillée.
Le Droit tient un double discours. D’un côté, il respecte la liberté sexuelle entre adultes consentants : on a le droit de tout faire. La référence « aux bonnes mœurs » a disparu du code pénal. Échangisme, homosexualité, sadomasochisme, fétichisme et autres « ismes » ne semblent plus vraiment choquer personne. D’un autre coté, l’individu n’est pas qu’une bête sexuelle libre, mais aussi un animal social. Le Droit impose des règles qui limitent, modèrent, ou corsètent la liberté sexuelle.
Par exemple : vous êtes libre de vous exhiber dans les poses les plus impudiques… dès lors que vous ne le faites pas sur la place du village (délit d’exhibition sexuelle) Vous pouvez infliger une bonne fessée à votre compagnon de jeu qui ne demande que ça… mais il faut savoir cesser quand son consentement vacille ou que vos sévices réclament des soins médicaux (délit de « coups et blessures volontaires »). On est libre de son corps, mais jusqu’à un certain point. Bien entendu, une relation sexuelle imposée alors que clairement refusée peut relever du « viol » (crime) ou de « l’agression sexuelle ». On ne peut pas faire n’importe quoi en brandissant sa liberté sexuelle.
En résumé : Vivre librement sa sexualité, oui, dès lors que l’on reste discret et que l’on ne force pas le consentement d’une autre personne.
La « majorité sexuelle » est-elle réellement à 15 ans ?
Oui. Mais il faut nuancer.
L’expression est ambiguë. C’est en réalité l’adulte qui est visé par la loi. Cela signifie que :
La loi interdit toute relation sexuelle entre un adulte et un enfant de moins de 15 ans, même si celui-ci est consentant. Braver la loi expose au délit « d’atteinte sexuelle » (5 ans de prison et 75000 euros d’amende). Le simple flirt est répréhensible.
Après 15 ans, le jeune peut librement entretenir des relations sexuelles avec un adulte, si, bien entendu, il est consentant. Ce consentement doit être éclairé, libre, prouvant sa maturité sexuelle.
Exceptions :Sont interdites les relations sexuelles entre un ado (entre 15 et 18 ans) et un adulte « ayant autorité » : ascendant légitime, ascendant naturel ou adoptif, enseignant, animateur, professeur de sport, etc . Sanction encourue par l’adulte fautif : deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Il est interdit pour un adulte de « corrompre » le jeune, quel que soit son âge. La « corruption de mineurs » (anciennement « incitation de mineur à la débauche ») consiste à inciter un mineur à exprimer sa sexualité et lui ôter toute pudeur. Alors, attention ! La corruption de mineur, ou sa tentative, est puni de 5 ans de prison et de 75000 euros d’amende ; et de 7 ans de prison et de 100 000 euros pour un mineur de moins de 15 ans. (art.227-22 du code pénal)
Les relations sexuelles entre deux mineurs, elles, ne sont pas interdites, quel que soit l’âge des mineurs.
Avoir des relations sexuelles dans une voiture est-il répréhensible ?
Oui, si c’est à la vue de tous. Non, si vous restez à l’abri des regards… et des oreilles qui traînent !
Évitez la voiture dès lors que l’on peut vous y voir, peu importe l’endroit : parking, déserte privée, impasse, chemin (même perdu dans la forêt !), garage en sous-sol mal éclairé, ruelle même désertique… Vous vous exposez ainsi au délit « d’exhibition sexuelle » (Art 222-32 du code pénal. Tarif : un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende maximum)
Exemple : un couple, sans doute un peu pressé, avait garé sa voiture entre une avenue très passante et un restaurant. Il fut surpris en pleine action par les gardiens de la paix, qui ne goûtèrent guère le spectacle. Il se retrouva en correctionnelle et condamné pour le délit « d’exhibition » à 500 euros d’amende chacun. (Cour d’appel de Bordeaux, 3 juin 2004). Ce qu’on leur reproche surtout : n’avoir pris aucune précaution pour ne pas être vus, avoir négligé de se dissimuler.
Enfin, n’oubliez pas que, en roulant, le conducteur doit toujours être en état et « en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent »…. C’est, cette fois, le code de la route qui le dit et y contrevenir peut vous coûter une amende de 35 euros. (R 412-6 du code de la route)
Et chez soi ?
Oui, si l’on peut vous voir.
Même chez vous, même dans un lieu privé, si vous pouvez être aperçue de l’extérieur par des yeux « innocents », ou, du moins, des témoins involontaires. L’art 222-32 du code pénal est clair : « L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ». Là encore, prenez vos précautions pour ne pas être vue, même nue. La nudité peut aussi être perçue comme une impudeur. Et l’on pourrait déduire de votre absence de précaution votre intention de vous exhiber.
De plus, vos voisins gênés régulièrement par votre comportement (parce que cela heurte leur sensibilité, ou encore qu’ils ont des enfants, par exemple) pourraient saisir le juge pour faire cesser ce « trouble anormal de voisinage »… Si vous aimez faire l’amour en public, choisissez soigneusement les endroits, là où les témoins de vos ébats sont consentants.
L’adultère est-il encore une faute pouvant fonder un divorce ?
Oui. On ne doit pas fréquenter ailleurs lorsque l’on est mariée. N’oubliez pas : « Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance » (art. 212 du code civil). L’adultère est encore une faute qui peut entraîner le divorce. (Avant 1975, avoir un amant dans le placard pouvait entraîner aussi… la prison). Cependant, le juge qui prononce le divorce apprécie concrètement la gravité de cette faute. Et parfois, il l’excuse (l’autre époux a aussi commis un adultère, par exemple), ou la minimise (en cas de séparation irréversible des époux ou de procédure de divorce sans fin).
En cas d’échangisme, ou de relations sexuelles au vu et au su de son conjoint, peut-on parler d’adultère ? Normalement, non. Il serait étonnant qu’un juge y voie là une « faute » d’infidélité. La notion d’adultère implique clandestinité et « tromperie ». Point de cela dans l’échangisme librement consenti entre époux.
Chater, c’est tromper ? Je passe mes nuits sur internet. Est-ce un motif de divorce ?
Oui.
Attention, un adultère n’est pas forcément une relation charnelle. Si vous passez vos nuits à faire du « corps à corps » virtuel sur Internet avec des inconnus, en délaissant votre conjoint, il s’agit d’infidélité flirtant avec l’adultère. Un juge peut y voir tout au moins une « attitude insultante et injurieuse » constituant une faute conduisant au divorce.
Mes collègues de travail ne cessent de raconter des blagues grivoises… Puis-je légitimement m’en plaindre auprès de mon employeur ?
Oui, mais sans espoir. L’incrimination de mauvais goût n’existe pas !
En fait, tout dépend de votre milieu professionnel, de la « culture » de l’entreprise, la façon dont les propos sont exprimés, la volonté de leur auteur, son intention de choquer... La France ne milite pas pour un environnement de travail prude et aseptisé. On ne fera pas un procès pour un calendrier de nus affiché au mur ! Les blagues croustillantes, voire graveleuses, les propos « gaillards », dès lors qu’ils sont racontés à la cantonade, sans s’adresser à quelqu’un en particulier, ne tombent pas en principe sous le coup d’une incrimination.
Par exemple, il a été jugé dans une affaire où une salariée d’un cabinet d’assurance se sentait harcelée par son supérieur hiérarchique que « ne constituent pas des actes de harcèlement sexuel, des propos grivois à connotation sexuelle, des menaces de châtiments corporels, une vantardise d’exercer un droit de cuissage, une simple tentative d’embrassade ou des plaisanteries lourdes et autres "gauloiseries". Pourquoi ? Parce que la salariée ne rapportait pas la preuve de la volonté de son patron d’obtenir ainsi « des faveurs sexuelles »… (Cour d’appel de Metz, 18 sept 2006)
Et si elles me sont directement adressées ?
C’est différent. Si ces blagues, propos grivois, licencieux vous visent directement, toujours dans « le but d’obtenir des faveurs sexuelles », il y a place pour l’application de la loi sur le harcèlement sexuel. Mais, là encore, tout est affaire de preuves. Et les collègues ne sont pas toujours prêts à témoigner….
En revanche, ce comportement peut constituer, dans ce cas, une incrimination pour « harcèlement moral », si vous montrez qu’il s’agit là « d’actes répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à vos droits ou votre dignité, d’altérer votre santé physique ou mentale, ou de compromettre votre avenir professionnel » (définition du harcèlement moral dans le code du travail). Votre employeur doit tout faire pour faire cesser le harcèlement. Vous pouvez aussi vous adresser aux délégués du personnel ou au médecin du travail.
Une femme peut-elle commettre un viol ?
Oui, le viol étant « un acte de pénétration sexuelle »…. « …de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (art 222-23 du code pénal). Vagin, mais aussi bouche, anus... à savoir tout ce qui peut être pris de force, peu importe l’organe ou l’objet qui pénètre : un doigt, une carotte, manche de pioche, godemiché… selon l’inventaire à la Prévert de la jurisprudence.
La fellation imposée par un homme à une femme est un viol. En revanche, qu’en est-il du cunnilingus imposée par une femme à un homme ? Perplexité du Droit ! Il semblerait qu’il ne s’agisse, ici, que d’ « agression sexuelle » (5 ans de prison max.) et non de viol, étant donné qu’il n’y a pas de pénétration. Même solution, bien sur, pour un cunnilingus imposé par une femme à une autre femme. Tant qu’il n’y a pas pénétration…. En tout cas, le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle maximum.
Anne Chemarin
Commentaires (1)
Kewl you slohud come up with that. Excellent !