Le Confident des dames
Le 20/05/2009
Comment parler du bidet sans se bidonner, c’est bien là le défi, relevé avec grâce et érudition en 1997 par Julia Csergo et Roger-Henri Guerrand dans leur ouvrage Le Confident des dames. Le bidet du XVIIIe au XXe siècle. L’ouvrage est aujourd’hui réédité en poche, une belle occasion de redécouvrir un objet injustement délaissé. Le mot "bidet" fait son apparition dans les années 1730 pour parler des "sceaux de toilette". Ils existaient avant le XVIIIe siècle, mais c’est sous Louis XV qu’on les fabrique en série. Les gens ne se lavaient pas à l’eau, qui provoquait toutes les méfiances et dont les vertus purificatrices ont mis du temps à s’imposer. L’utilisation du bidet dans les foyers en est un des premiers pas. Appelé aussi "le confesseur des dames", selon une expression utilisée à la fin de l’Ancien Régime, il garde longtemps un léger parfum de scandale.
Très utilisé par les citadins, plus par les catholiques que par les protestants, il est le grand oublié des manuels d’hygiène et de savoir vivre. Personne ne sait comment parler de son utilisation sans évoquer des gestes qui pourraient provoquer le trouble et choquer la pudeur bourgeoise ! Jusqu’à se poser la question d’initier ou non les petites filles à la toilette intime, de peur de les voir se toucher, se découvrir et plus encore... Le docteur Cabanès écrit en 1908 un ouvrage sur Les Moeurs intimes du passé et le surnomme très joliment, "la pièce d’eau des cuisses". Objet en apparence banal, légèrement teinté de ridicule, le bidet est un révélateur des fantasmes, des peurs et des tabous d’une certaine société, pas si lointaine encore.
[gris] Le Confident des dames. Le bidet du XVIIIe au XXe siècle de Julia Csergo et Roger-Henri Guerrand, Éditions La Découverte, Poche, 214 p., 11 €[/gris]