Vulve, vagin et cyprine font un tube
Le 28/09/2020
Depuis quelques décennies, les chansons qui se vendent le mieux aux États-Unis sont aussi celles qui sont les plus explicites. Mais jusqu’à il y a peu, c’était une affaire d’hommes : Prince, Marvin Gaye, Marilyn Manson, les Rolling Stones ou encore un nombre incalculable de rappers. Les femmes qui se sont aventurées sur cette piste, Madonna en particulier, en ont pris plein la gueule. Une femme, ça ne parle pas de sexe. Ah bon ? Heureusement, un petit miracle vient d’arriver ...
Mais d’abord quelques chiffres : Science Daily a publié une étude à partir des tops du Billboard de 1960 à 2008 montrant que 22% faisaient référence au sexe, et plus les années passent plus les tendances s’inversent, avec dans les années soixante une majorité de chansons country qui parlent d’amour et aujourd’hui une majorité de raps qui parlent de sexe. La plupart de ces chansons ont été écrites par des hommes, ce qui ne signifie pas que les femmes n’ont pas tenté l’exercice, mais que le public n’y a pas adhéré. On attend encore des femmes qu’elles se tiennent bien.
La raison pour laquelle une des rappeuses les plus engagées et décidées à casser les codes, Cardi B, a pondu le titre “WAP” était précisément dans le but de rompre avec cette vilaine habitude. Elle a expliqué dans une émission de TV américaine qu’elle avait voulu écrire la chanson la plus crue et libidinale possible pour que les gens en parlent. Et que dit-elle ? Qu’elle fait ses exercices de Kegel et veut une bonne bite pour sa chatte si trempée, qui sache bien la baiser pour subvenir à ses besoins, en recourant à toutes les pratiques non-vanille du sexe, car elle aime tout, veut tout.
Bien que la chanson n’ait pas échappé à la critique, aux parents offusqués et aux hommes choqués, “WAP,” est la première chanson aussi sexuelle a devenir n°1 du Billboard (et ce pendant depuis plusieurs semaines), grâce aux nouvelles générations qui ont largement embrassé le message véhiculé par le titre.
Le retournement ne s’est pas fait en un jour. Avant elle, Madonna bien sûr, Donna Summer, Beyoncé et d’autres s’étaient risquées à l’exercice, mais c’est aussi - et peut-être surtout - une longue lignée de rappeuses qui lui ont ouvert la voie. Le rap a depuis quarante ans la réputation d’être misogyne, et c’est sans doute la raison pour laquelle petit à petit des femmes ont décloisonné la pensée : Roxanne Shante (qui a fait un tube à l’âge de quatorze ans en critiquant la façon dont les hommes draguent), Salt-N-Pepa (qui les premières ont osé le décolleté, les tenues sexy et la parité dans le désir), Foxy Brown (qui a ajouté la violence à l’xplicite), Lil Kim (qui la première a dit dans le refrain d’une chanson qu’elle "ne voulait pas être baisée ce soir, mais qu’on lui lèche bien la chatte"), Nicki Minaj (qui a cassé les codes du genre en s’inventant des alter-egos masculins et féminins), et d’autres encore ...
L’autre tour de force de Cardi B, dont on a moins parlé, est d’avoir fait ce titre en duo avec une autre rappeuse, Megan Thee Stallion, qui était pourtant donnée par l’industrie du disque comme sa rivale.
Sans prononcer les mots de "féminisme" ou de "sororité", elle fait bouger les lignes d’une façon merveilleusement efficace. J’attends avec impatience le jour où les rappeuses françaises auront la même audace et le même succès ...
La version du clip qui permet de mieux comprendre les paroles de WAP :
La vraie version du clip WAP :