Qui fait encore l’amour ?
Le 10/01/2022
Que s’est-il passé dans le monde entre 2009 et 2018 qui a pu provoquer une baisse très significative des rapports sexuels entre humains, malgré les bénéfices sur les fonctions cognitives, la santé, le bonheur, la qualité du sommeil, la réduction du stress, le renforcement du système immunitaire et l’amélioration des relations ... en dehors de toute question reproductive ?
Des chercheurs de l’école de santé publique de l’Université de l’Indiana, aux Etats-Unis, ont récemment publié une étude dans le magazine Archives of Sexual Behavior montrant que toutes les formes d’activité sexuelle sont en berne à travers le monde, qu’il s’agisse de pénétrations vaginales et anales ou de masturbation en couple ou en solo chez les personne entre 14 et 49 ans.
L’étude, faite avec plus de 4.500 participant.e.s, montre que la proportion d’adolescents sans aucune activité sexuelle, y compris masturbatoire, est passée de 28,8 % en 2009, à 44,2 % chez les hommes et de 49,5 % à 74 % chez les femmes. Le taux de personnes se déclarant asexuelles est également en croissance.
Pour deux des autrices du rapport, Debby Herbenic et Tsung-chieh Fu, plusieurs facteurs sont probablement en jeu. L’utilisation croissante des médias sociaux et des jeux vidéo est pour elles une certitude ; au vu du temps moyen passé sur internet à partir des téléphones mobiles chaque jour (3 heures et 22 minutes en 2020, avec une augmentation de 10% par rapport à 2019), ce n’est pas une surprise. Plus étrange, la diminution de la consommation d’alcool pourrait être un autre facteur, la fonction désinhibante de l’alcool aidant sans doute aux rapports.
Mais ce qui semble inquiétant est l’hypothèse des chercheurs selon laquelle la généralisation des rapports sexuels brutaux pourrait détourner les nouvelles générations de tous types de rapports. Pour Debby Herbenic, c’est particulièrement frappant chez les 18-29 ans : "on constate une augmentation de ce que beaucoup appellent les comportements sexuels brutaux (...). Ce que nous voyons maintenant dans des études portant sur des milliers d’étudiants choisis au hasard, c’est l’étouffement ou l’étranglement pendant les rapports sexuels". En Angleterre, 30 femmes sont mortes l’année dernière de ces activités déclarées consenties. " Ce comportement semble être majoritaire chez les étudiants. Pour certain.e.s, c’est consensuel, voulu et demandé, mais cela effraye aussi beaucoup de gens, même s’ils apprennent à l’apprécier ou à le vouloir. C’est un axe de recherche majeur pour notre équipe : comprendre ce qu’ils ressentent, quels sont les risques pour la santé et comment cela s’intègre dans le paysage sexuel plus large." Les autrices font aussi référence aux propos tenus récemment sur le Howard Stern Show par la chanteuse Billie Eillish, à propos des films porno qui ont fait son éducation sexuelle et ont influencé son idée de la sexualité : "Les premières fois où j’ai eu des rapports sexuels, je ne disais pas non à ce qui n’était pas bon, parce que je pensais que je devais être attirées par ces choses". A cela on a envie de répondre que tout n’est pas à mettre sur le dos des films X, si l’éducation sexuelle était enseignée à l’école (elle est en chute libre partout) et si les parents acceptaient de répondre aux questions de leurs enfants, quel que soit leur âge, peut-être que le score serait bien différent, car les jeunes ont tout simplement besoin de savoir.
En attendant, la situation est étrange : bien que l’étude n’ait pas inclus les plus de cinquante ans, il est possible qu’ils fassent plus souvent l’amour que les générations suivantes, d’après leurs auteures.
Vous avez dit bizarre ?