Prince au royaume de la sexualité féminine
Le 28/04/2017
Il y a un an mourrait Prince. Un génie musical, oui, et sans doute aussi l’homme le plus féministe du XXe siècle, l’un de ceux qui ont le plus fait pour libérer la sexualité féminine des carcans qui l’étouffent encore.
Sexe et musique vont de pair depuis l’origine de l’humanité, elle libère et en particulier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, où la pop music a accompagné tous les adolescents dans la découverte de leur sexualité. Aretha Franklin, Annie Lennox, Madonna, Beyoncé et d’autres ont particulièrement aidé les femmes à s’émanciper. Tous les hommes ne se sont pas tenus à l’écart de cette révolution féminine, mais Prince est allé indéniablement plus loin que tous les autres, brisant à lui seul autant de tabous que de stéréotypes (homme/femme, hétérosexuel/homosexuel, blanc/noir), chantant mieux que quiconque la libido brûlante des femmes, leurs forces et leurs pouvoirs et décrivant par mille joyeux détails pornographiques leurs extases et les siennes.
En 1984, dans Darling Nikki, il parle d’une femme qui se masturbe en lisant un magazine, renversant ainsi un cliché traditionnellement masculin. Chez elle, il rougit devant l’abondance d’accessoires qu’elle possède.
Dans I Love U in Me ("Je t’aime en moi"), il s’extasie devant les capacités sexuelles d’une femme libre qui prend toutes les initiatives sexuelles, "Everything I want is what she does to me" ("Tout ce que je veux, c’est tout ce qu’elle me fait"). De même dans Irresistible Bitch, où il ne peut résister à la femme à laquelle il est fidèle et qui le trompe tant, mais à ses amis critiques de la situation il répond : "They don’t know all the things you do to me when we’re alone" ("Ils ne savent pas tout ce que tu me fais lorsque nous sommes seuls"). Il s’est vanté de pouvoir être passif au lit dans Do Me, Baby (1981), où il laisse toutes les initiatives à sa partenaire. Little Red Corvette, métaphore du vagin d’une femme désirée, décrit la puissante libido d’une femme qui a tant de préservatifs (indiquant un nombre important d’amants), que Prince s’inquiète de ne pas être à la hauteur des prédécesseurs.
Orgueil, jalousie, virilité mal placée, rien de tout cela n’existe pour lui. Pour revoir une ancienne partenaire, il partage son lit avec le nouvel amant dans When You Were Mine ("Quand tu étais mienne") : "I didn’t care/I never was the kind to make a fuss/When he was there/Sleeping in between the two of us" ("Ca m’était égal/Je n’étais pas du genre à en faire un plat/Lorsqu’il était là/dormant entre nous deux").
Sa virilité ne se joue ni dans ses paroles de chansons, ni dans la composition de ses différents groupes (il a toujours été particulièrement féru des femmes à la batterie et à la guitare, instruments virils s’il en est, et n’avait plus que des musiciennes lors de ses dernières tournées), ni dans ses tenues vestimentaires.
A 22 ans, il apparaît sur la pochette de son troisième album Dirty Mind presque nu sous un imperméable de satire et portant des dessous féminins, car comme nous toutes et tous, il est à la fois le prédateur et la proie, le masculin et le féminin. Tout au long de sa carrière, il est apparu en talons hauts, maquillé, portant des bijoux et tout aussi viril que les hommes à la cour de Louis XIV.
Lorsqu’il décrit les aspects plus masculins de sa sexualité, il insiste sur son plaisir à faire des cunnilingus aux femmes et le temps qu’il aime prendre pour les aider à atteindre l’orgasme. Il se sent assez performant pour remplacer un vibromasseur : "If you’re tired of the masturbator/Come on over 2 my neighborhood/We can jump in the sack and I’ll jack U off" ("Si tu en as marre de ton vibromasseur, viens chez moi et je te ferrais jouir"- Jack U Off (1981)). New Position explique comment lutter contre la routine. Dans If I Was Your Girlfriend, Prince veut faire à sa partenaire tout ce qu’un "vrai" homme refuserait de faire.
Désireux d’aller toujours plus loin dans ses propositions, il abandonne son nom en 1993, pour ce qu’on a appelé ensuite le "Love Symbol", logo fondant les symboles de l’homme (cercle + flèche) et de la femme (cercle + croix) en un seul. A sa façon, il tranche encore sur la question du genre : nous sommes tous féminins et masculins, alternativement actifs ou passifs, la libido est libre, il faut abattre les conventions.
Son approche directe, affranchie de toute bienséance, sa virilité féminine, la masculinité qu’il a encouragée chez les femmes sont résumées dans la chanson Uptown, véritable manifeste d’une libération qui doit être totale. A travers la transcendance physique du sexe, on trouve la liberté des individus à être eux-mêmes, libéré de toutes convenances.
Ce n’est pas seulement ce musicien hors norme, ce génie, qui est mort le 21 avril 2016, c’est aussi l’homme qui s’est longtemps battu pour la liberté sexuelle en général et celle des femmes en particulier.Il est toujours temps de le re-découvrir sous cet angle essentiel à toutes les femmes.