Julie Gayet prend l’eros en main

Le 11/09/2009

La comédienne Julie Gayet nous reçoit dans les bureaux de sa société de production de films (Rouge International, fondée avec Nadia Turingey). Au mur, une jolie gravure érotique japonaise donne le ton. Julie prépare L’Homme d’après, un film qui parle d’amour et de sexe, « parce que c’est quand les deux sont mêlés que cela m’intéresse », dit-elle.

Que pouvez-vous nous dire sur ce film ?

C’est l’histoire d’un couple qui s’aime, qui fait très bien l’amour et se déchire. Nous avons eu envie de faire un film sur l’abandon de la femme dans l’amour, chose difficile à assumer totalement dans une société qui nous demande d’être dans le contrôle de tout. Ou comment concilier à la fois l’envie d’être prise et celle de prendre les choses en main…

Quel sont vos partis pris érotiques ?

Nous allons tenter de montrer toutes les nuances de la sexualité, et même la masturbation. On dit rarement que le sexe n’est pas toujours en accord avec l’état dans lequel le couple se trouve. Parfois tout va mal et sexuellement c’est magique et au contraire d’autres fois, on ne sait pas pourquoi l’harmonie sentimentale n’est pas sexuelle.

Vous dites bien érotique et non pornographique. Quelle distinction faites-vous entre les deux ?

Dans un porno on baise pour de vrai. Moi je suis comédienne, dans un film je meurs ou je fais l’amour pour de faux, voilà la différence. A mes yeux le porno, c’est montrer le plus de choses possible pour exciter le plus possible, alors que je crois que voir moins, même rien, peut être beaucoup plus fort. C’est comme pour un film d’horreur, je suis plus sensible à la suggestion. Quoiqu’il en soit tout est dans la manière de montrer.

En quoi s’agit-il d’un érotisme féminin ?

En ce qu’il naît de l’émotion. Nous n’avons pas voulu faire un film qui satisfasse les fantasmes masculins, même si entre féminin et masculin, il est difficile de savoir où est la limite. Simplement, c’est un film que nous aurions envie de voir.

En effet la réalisatrice est une femme, Clarisse Canteloube, mais elle a collaboré avec deux hommes à l’écriture Jean-Claude Carrière et Nicolas Fargues. Pour des raisons d’équilibre ?

Exactement. Jean-Claude raconte avoir été très étonné de voir arriver deux blondes (Clarisse et moi) qui voulaient faire un film sur l’amour et le sexe. Il ne comprenait pas la notion d’oubli de soi qui peut effrayer les femmes, la perte de soi dans l’autre, c’est comme ça que Nicolas est arrivé à la rescousse !

C’est vous qui incarnerez le rôle principal. En tant que comédienne, comment appréhendez-vous les scènes explicites ?

Sans aucune appréhension, justement ! Pour moi, une scène d’amour, c’est comme une scène d’action. Et pourtant, lorsque j’ai commencé, je m’étais promis de ne jamais tourner nue. Et puis on m’a proposé le rôle d’un modèle qui posait nu pour un peintre… Je suis allée poser aux Beaux-Arts, cela m’a fait beaucoup réfléchir sur la nudité. Finalement il m’est apparu que l’on peut être beaucoup plus nu en étant habillé. Mais sur un plateau, les scènes d’amour sont toujours entourées de beaucoup de pudeur. Les scénarios, qui détaillent le moindre geste, se contentent d’un « ils font l’amour », et puis à nous de nous débrouiller. Sauf qu’on a 1500 manières de faire l’amour !

Et comment une actrice traditionnelle se retrouve à produire un film érotique ?

Dans ma carrière de comédienne, j’ai le sentiment d’avoir déjà fait des choix dans cette direction, comme avec Pourquoi pas moi, vrai film lesbien, ou Select hotel où je joue une prostituée… Mais en tant que spectatrice, je suis souvent déçue, j’ai rarement vu des scènes qui donnaient envie. Et surtout, je trouve que la sexualité féminine est encore tabou. Au cinéma et dans la vie. Dans la plupart des familles, un garçon qui se masturbe c’est normal, une fille, non, ça n’existe pas.

Quelle est d’ailleurs votre culture érotique ? y a-t-il des films ou des livres qui vous ont influencée ?

Des scènes de film, oui. Je pense à celle qui ouvre La Nuit nous appartient de James Gray, Eva Mendès en pleine masturbation, ou à celle de ce vieux couple qui se saute dessus dans l’escalier dans History of Violence de Cronenberg. J’ai aussi encore en mémoire les tremblements qui secouent Brigitte Roüan après l’orgasme, dans Post coïtum, animal triste. Sinon, j’ai été très marquée à 14 ou 15 ans par la BD de Bourgeon, Les Passagers du vent. Les personnages sont toujours en train de faire l’amour, on voit les poils, c’est assez excitant… Et puis j’ai adoré Fraise et Chocolat, la BD érotique de Aurélia Aurita.

Que répondez-vous à ceux qui voient dans nos X-plicit films ou dans la dénomination ‘érotisme féminin’ une tentation sectaire ?

Qu’il faut peut-être passer par une phase comme celle-là pour aire avancer les choses. Maintenant une femme réalisatrice c’est banal, mais aux premiers temps du festival Films de femmes, ça ne l’était pas. La vraie liberté, ce n’est pas de tout faire, c’est de pouvoir le faire. Le sexe ne répond pas à un mode d’emploi, mais si ces films peuvent donner deux ou trois bonnes idées aux filles pour qu’elles se lâchent plus et prennent leur pied, alors ça vaut la peine !

Aurélie Galois

L’Homme d’après sera sur les écrans en 2010

Commentaires (1)

  • bagou

    Quel entretien intéressant. J’ai hâte de voir ce film pour (re)découvrir cette actrice pleine de charme et d’intelligence.
    Merci Aurélie