Michel Onfray

Le 29/06/2009

Les écrits du philisophe Michel Onfray célèbrent l’hédonisme et les sens. Il se situe dans la lignée des penseurs grecs et des philosophes célébrant l’autonomie de pensée et de vie. Une liberté de parole rafraîchissante en ces temps qui se crispent... Nous l’avons donc entraîné dans une discussion sur le plaisir.

Vous vous réclamez d’une tradition hédoniste. Comment avez-vous commencé à vous intéresser au plaisir d’un point de vue philosophique ?

Dès ma première année de philosophie à l’université. J’avais dix-sept ans, quand mon professeur de philosophie antique m’a signalé l’existence d’une doxologie cynique alors que je l’interrogeais sur Diogène de Sinope : j’ai vu que des philosophes dits majeurs étaient présentés comme tels par l’institution, (Socrate, Aristote, Platon…) mais qu’il existait des philosophes réputés mineurs qui, à mes yeux, me paraissaient majeurs. Dont Aristippe de Cyrène, l’inventeur, si l’on peut dire, de l’hédonisme antique… J’ai fait mes études en me souciant du corpus classique et quand j’ai soutenu ma thèse, que j’ai refusé, après obtention du doctorat, d’enseigner à l’université afin de garder ma liberté de penser et surtout d’écrire, en travaillant dans un lycée, je me suis mis à ce corpus marginal et impensé.

Vous prônez un travail de réflexion de la part de chacun sur son vécu et son désir sexuels, pour déterminer ce qu’il veut et dans quelles voies du plaisir il peut s’engager. Y a-t-il des limites qu’il convient de se fixer à priori ?

Pas du tout… Pour quelles raisons ? Au nom de quoi ? En vertu de quels impératifs méthodologiques ou moraux ? Non, tout est ouvert, libre et en accès libre sur ce terrain…

Êtes-vous amateur de littérature érotique ? Si oui, quels sont vos ouvrages et vos auteurs de référence ?

Non, pas du tout. J’ai l’impression que quelqu’un qui aime voyager ne lit pas les guides du pays qu’il pourrait voyager en décortiquant les trajets, les étapes, en regardant les photos, tout en restant dans sa chambre… On prend un billet d’avion, et on part sur place… Même chose avec l’érotisme, il n’y a rien de plus triste, sinistre, rébarbatif, répétitif que la littérature érotique. Je me souviens qu’il y a plus d’une dizaine d’années j’avais été invité sur un plateau de télévision néerlandaise pour parler de littérature érotique. On nous avait demandé d’arriver avec le livre érotique que l’on tenait pour un chef d’œuvre. Il y avait là quelques pisse-froid de l’érotisme, des pontifiants du sujet, des prêtres de cette religion sinistre, qui avaient apporté leur Sade écorné, leur Bataille tâché… J’avais gagné le courroux de ces puritains-là en sortant de mon sac un magazine porno que j’avais acheté à l’aéroport…

L’une des parties du Souci des plaisirs est intitulée Enseigner l’art d’aimer. Imaginons que l’on vous demande de mettre en place un programme scolaire sur ce sujet, que préconiseriez-vous ?

Rien du tout, car l’institutionnalisation de cette chose-là serait la pire des choses si elle passait par le ministère de l’Éducation Nationale… Ce serait un assassinat des beaux-arts auxquels j’aspire. Il faut produire les œuvres de cette initiation, mais en marge, pas avec l’estampille ministérielle…

Que pensez-vous du fait qu’un certain nombre de femmes travaillent plus, gagnent plus d’argent et restent seules ?

Qu’elles ont bien raison de ne pas se pourrir la vie avec des hommes qui aspirent à vivre la vie de Casanova tout en l’interdisant à leurs compagnes. Vive les femmes libres, libertines et libertaires…

La prostitution masculine de luxe se développe. C’est une bonne chose ?

Pour quoi ? Pour qui ? Je ne suis pas sûr que l’argent soit un signe de santé… Dès qu’il touche un domaine, c’est pour le pervertir… De la culture à la sexualité en passant par les mères porteuses, plus on peut faire l’économie de l’argent, mieux c’est.

Que pensez-vous de la démarche mise en place à travers les X-plicit films, des courts-métrages pornographiques produits par Second Sexe, rythmés selon la progression du désir des femmes, avec la volonté de proposer un vrai scénario et d’affirmer une certaine esthétique ?

S’il s’agit de cette série dans laquelle Madame Bernard-Henri Lévy a produit sa vision des choses, laissez-moi vous dire que je n’ai pas laissé tomber la scénographie dont je vous parlais tout à l’heure pour me précipiter devant mon petit écran…

Dans Le Souci des plaisirs, vous reprochez à la pornographie "son usage commercial", d’où découle une absence de scénario, de psychologie des personnages et d’esthétique. N’existe-t-il aucun film pornographique qui trouve grâce à vos yeux ?

Je n’ai guère les moyens de vous répondre car je n’ai pas eu le courage de visionner des centaines de films qui m’auraient permis de vous donner deux ou trois titres… Comme je le fais savoir depuis le début de cet entretien, je préfère consacrer le temps que je n’ai pas perdu à regarder des films pornographiques à scénographier moi-même ma vie sexuelle…

[gris]Propos recueillis par Frédéric Reunier[/gris]

Commentaires (1)

  • gbsvigne

    Michel Onfray ne se ferait-il que le passeur des théoriciens du plaisir, fussent-ils mineurs et antiques, dans une sorte de branle à bla-bla qui tournerait en boucle ? La multiplication de ses écrits pourrait le suggérer.

    Merci Monsieur Onfray de combattre la chair mortifère et mortifiée de Paul de Tarse, Merci de tenter de nous débarrasser de plus de 20 siècles de christianisme fossoyeur de la chair et de ses plaisirs, mais en matière de littérature, la grande, la vraie, je crains que vous ne soyez un peu court.

    Et puis dites-nous M. Onfray, l’amour pour vous se réduit-il à un seul consentement ou bien est-il une sorte d’élan vital qui me propulse au delà de la simple rencontre de deux individualités ?